Mille femmes blanches

Mille femmes blanches est un roman de Jim Fergus, publié en 1998.

En 1874, le chef Cheyenne Little Wolf rencontre à Washington, le président Grant et fait un pacte avec lui : mille chevaux en échange de mille femmes Blanches, destinées à apporter un peu de civilisation aux Indiens et à permettre à leurs descendants de s'intégrer parmi les Blancs.

La plupart des femmes seront des prisonnières ou des femmes internées dans les asiles, et les autres volontaires n'ont plus grand chose à perdre... May Dodd en fait partie, et elle note dans ses carnets son aventure parmi les Indiens...

Voilà un roman bien intéressant, que ma môman m'a prêté. J'ai appris que l'auteur avait écrit une suite en 2016, La Vengeance des mères, et même si Mille femmes blanches se suffit à lui-même dans le sens où l'on n'attend pas forcément de suite, je suis quand même intéressée et j'aimerais la lire.

Si la rencontre entre Grant et Little Wolf à Washington a bel et bien eu lieu, la teneur de l'échange est quant à elle, inventée par Jim Fergus. Le récit est tout le long constitué de cette manière : fiction et réalité historique cohabitent, et l'on apprend ainsi beaucoup de choses sur l'Amérique de cette fin du XIXème siècle, la manière de vivre des Blancs et des Indiens et la façon dont chacun perçoit l'autre... C'est vraiment un contexte très intéressant.

A l'exception du début du roman et de la fin, c'est May Dodd qui raconte l'histoire. Elle tient à jour des carnets dans lesquels elle retranscrit son aventure incroyable. May était internée dans un hôpital psychiatrique depuis des années, sans qu'elle soit folle pour autant. Son seul crime fut d'avoir aimé un homme que sa famille n'approuvait pas, Harry. Elle a vécu heureuse un temps avec lui et ils ont eu deux enfants, avant que sa famille ne les sépare et ne l'envoie, prétendument folle et débauchée, dans cet asile. Pour elle, la vie parmi les Indiens ne sera pas pire que celle qu'elle a actuellement, c'est pourquoi elle se porte volontaire, et emmène avec elle son amie Martha.

Le pacte prévoie que ces femmes blanches passeront deux ans chez les Cheyennes. Dès leur arrivée, elle se marieront et elles devront donner naissance à des enfants qui permettront de faire le lien entre les deux peuples. Elles devront aussi apporter la civilisation chez les sauvages (car c'est ainsi que May et les autres les appellent). Au terme des deux années, elles auront le choix entre revenir dans leur famille et démarrer une nouvelle vie où leur passé sera oublié, ou rester parmi leur nouveau peuple. Bien sûr, pour ces femmes le choix est tout tracé quand l'aventure commence : il faut tenir deux ans au grand air, à dormir sous une tente et affronter cette vie rigoureuse et ce peuple si différent du leur, et elles rentreront chez elles. Pour May, son objectif est de revoir ses enfants coûte que coûte, qu'elle n'a pas revu depuis son internement.

Nous allons plus particulièrement suivre un petit groupe de ces femmes, qui voyagent ensemble dans le train qui les emmènent à travers l'Ouest, et qui vivront côte à côte ensuite dans le même camp. Certaines deviendront des amies de May et se supporteront à travers les épreuves : Helen, Martha, les sœurs Kelly, Gretchen... May nous décrit la vie au camp, rude mais saine. Les tâches physiques ne manquent pas, il n'y a aucune place pour l'oisiveté chez les Cheyennes. Mais May n'est pas une femme qui rechigne à la tâche, donc elle s'adapte plutôt bien et certains aspects ne lui déplaisent pas. Son mari n'est autre que Little Wolf, le chef. Elle découvre un homme bon, intelligent et posé, qui la traite bien et qu'elle respecte, même si elle n'est pas amoureuse de lui. Toutes ses amies ne tomberont pas aussi bien avec leurs époux, malheureusement.

La vie dans la tente familiale lui convient, entre Little Wolf, une grand-mère, les deux premières épouses de son mari et leurs enfants... On sent que May s'adapte bien, même si elle ne perd jamais de vue son objectif : revenir auprès de ses enfants. À mesure que le temps passe, elle apprend à communiquer en langage Cheyenne et peut ainsi plus facilement échanger, notamment avec son mari.

May découvre aussi un peuple parfois naïf, qui a ses croyances, ses coutumes et qui fait parfois montre d'une extrême violence, notamment lorsqu'il se trouve sous l'emprise de l'alcool (dont les Blancs n'hésitent pas à l'abreuver d'ailleurs). C'est vraiment passionnant et clairement, c'est la partie que j'ai préféré dans le récit : tous ces passages où l'on découvre les us et coutumes du camp et où l'on voit les Blanches découvrir cette vie et s'adapter.

Plus loin dans le récit, on apprend que le gouvernement n'honorera pas le pacte : seules quelques femmes ont été envoyées, mais nous sommes loin des mille promises. Les Indiens sont sommés de se rendre dans les réserves, sans quoi les camps seront considérés comme hostiles et éliminés. Little Wolf ne souhaite pas abdiquer : son peuple est prospère, libre et a tout ce dont il a besoin au grand air. May essaie de le mettre en regard et de le raisonner, pour leur sécurité à tous... A partir de ce moment là, on comprend que cela ne finira pas bien et que les Indiens sont en sursis, ni plus ni moins. Les dernières pages du récit sont forcément poignantes.

C'est une histoire incroyable que celle de May. C'est une femme intelligente et brave, dont les réflexions sont plaisantes à suivre parce que même si elle a ses préjugés sur les Indiens, forcément, et qu'elle a aussi peur de ce qui pourrait lui arriver auprès d'eux, elle reste ouverte quand même. Elle veut apprendre d'eux, qu'il s'agisse du langage ou de leurs coutumes, elle veut créer des liens avec son mari. Sans qu'elle ait besoin de le dire, on sent à ses réflexions que son regard change et qu'il a des choses qu'elle apprécie, ou finit par apprécier.

Ce fut une lecture bien agréable, en somme. Un roman qui change de ce que je peux habituellement lire et qui m'a beaucoup plu. J'espère avoir l'occasion de lire la suite un de ces jours.