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Une série en 4 tomes de Callède (scénario), Gihef (dessin), aux éditions Vents d’Ouest.

Il existe également une suite en cours, mais bien qu’elle porte le même nom, elle est indépendante de cette série là (on peut la voir comme une « saison 2 », en quelque sorte). Je ne parlerai donc bien ici que de la première série.

 

L’histoire se situe aux Etats-Unis, vers Los Angeles plus précisément, et elle met en scène quatre personnages (Rachel, Moses, Henry et Tobey) qui ne se connaissent pas et n’ont -pour l’instant- aucun lien les uns avec les autres : une mère de famille séparée, un lycéen perturbée, un retraité qui sert à la soupe populaire et un employé de bureau.

Chacun va un jour recevoir une enveloppe contenant une grosse somme d’argent, un revolver, une photo, et une cassette à écouter. Sur la bande, on leur propose de tuer la personne représentée sur la photo afin de gagner beaucoup plus d’argent. Le choix leur appartient.

Évidemment dans un premier temps, chacun refuse de prêter foi à ce deal qui semble affreux. Le souci est que tous ont des problèmes dans leur vie : certains jouent aux courses, d’autres peinent à élever leurs enfants… Bref, la question se pose à chacun : que serait-on capable de faire, pour un million de dollars ?

 

 

Quand le tome 1 est sorti il y a quelques années de cela (en 2004 exactement), j’ai été plongée dans un enthousiasme vraiment intense. J’ai trouvé cette BD très bien conçue, très bien ficelée et avec un suspens savamment entretenu page après page. Ma seule crainte finalement, c’était que cela se casse la figure à l’un ou l’autre des albums qui devaient suivre. Il n’en a rien été heureusement, et l’on peut dire que la série est de grande qualité sur sa totalité. Quatre tomes à lire avec plaisir, à n’en pas douter !

On s’en doute rien qu’avec le thème, la série n’est pas franchement joyeuse. Elle serait même bien noire, pour tout vous avouer. Parce que le thème, c’est-à-dire ce choix qui est donné à ces quatre personnages, fait appel à ce qu’il y a de plus mauvais en eux. Et cela nous pousse à nous interroger également, dans une certaine mesure bien entendu. Car lorsque la proposition leur est faite, à savoir tuer une personne qu’ils ne connaissent pas (chacun ayant reçu la photo d’un des trois autres, vous vous en doutez), la première réaction, outre le fait de croire à une blague, est de se dire que c’est ridicule, qu’aucune somme ne justifierait de faire ce qu’on leur propose… Mais plus l’histoire avance, plus les difficultés de divers ordres s’accumulent pour chacun d’eux, les poussant dans leurs retranchements. Et la question est reconsidérée. Car quand on est au pied du mur comme cela, tout devient vite très tentant…

 

 

En plus, en un rien de temps, on s’intéresse à ces personnages (dont j’aime beaucoup l’introduction qui en est faite au premier album, soit dit en passant). Ils ont tous une vie qui n’est guère reluisante, des problèmes d’importance qui nourrissent une colère, une envie de revanche ou ce genre de choses, chez eux. Mais on (enfin le scénariste :D ) n’en a pas fait des gens qui se lamentent toute la journée et n’ont aucune épaisseur ni aucun attrait. Non, ce sont vraiment des gens torturés, au bord du gouffre et finalement… capables de tout. Et cela, c’est très bien amené. La promesse d’une nouvelle vie, combien vaut-elle face à ces scrupules et une morale que l’on pense infaillible ? Et on va observer ce cheminement qui se fait pour chacun d’eux, de façon un peu différente (c’est d’ailleurs cela j’imagine, qui va faire qu’on va se sentir plus intéressée par l’histoire de l’un ou l’autre des personnages ; dans mon cas, Henry, l’employé de bureau criblé de dettes, me passionne davantage par exemple). Et du coup, le tour de force est qu’au final on oublie cette question que l’on jugerait pourtant primordiale en lisant le résumé de l’histoire, à savoir « qui est derrière tout cela et pourquoi cet odieux marché ? ». J’irai même jusqu’à dire qu’au fil de la lecture, on se désintéresse de cette question qui n’est même pas centrale. Le combat que chaque personnage livre avec lui-même, face à la tentation, est dix fois plus attrayant. La psychologie des personnages est un point fort de ce récit.

Et puis il faut dire également que la mise en scène est très réussie, et les dialogues également (on se croirait dans un film). Il y a quelque chose de très vivant là-dedans, de dynamique, et c’est vrai qu’on ne mise pas tout sur le scénario en tant que tel. Tout ce qu’il y a autour, la façon d’amener les choses, tout cela est bien fichu et contribue sans nul doute à la qualité de l’histoire.

 

 

Pour ce qui est du dessin, une fois n’est pas coutume, je n’en ai pas grand chose à en dire. Le style est réaliste et impeccable dans son genre (plus propre et net au fil de la série). C’est très conventionnel en fait, je dois dire. Ce n’est pas ce que je préfère, mais il faut avouer que d’une part il est maîtrisé, et d’autre part il se prête à ce genre d’histoires, parce qu’il rend assez bien l’ambiance « polar » que l’on souhaite avoir (avec des couleurs assez ternes dont je ne suis pas fan en soi, mais il faut bien reconnaître là aussi que cela s’accorde bien, dans le contexte). Qui plus est, il y a une amélioration notable au fil des albums, il me semble. Par contre je dois dire que j’aime beaucoup les couvertures (surtout celle du premier tome en fait), très symboliques et sobres, et qui illustrent à merveille cette histoire.

 

C’est du très bon boulot. Voilà une série que je recommande sans hésiter aux amateurs du genre… et même aux autres, car c’est tellement bien fichu qu’on peut y adhérer sans problème. En tout cas même après plusieurs relectures, « Enchaînés » m’enthousiasme toujours autant :) .

Tag(s) : #BD Franco-belges
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