Un film réalisé par Albert Dupontel, avec :
Albert Dupontel : Albert Maillard
Laurent Lafitte : Henri d’Aulnay-Pradelle
Nahuel Pérez Biscayart : Édouard Péricourt
Niels Arestrup : Marcel Péricourt
Émilie Dequenne : Madeleine Péricourt
Mélanie Thierry : Pauline
Heloïse Balster : Louise
(2017)
D'après le roman de Pierre Lemaitre.

En 1920, Albert Maillard, ancien soldat ayant combattu durant la guerre, est interrogé par la gendarmerie pour une affaire d'escroquerie à la banque.
Il raconte son histoire, qui débute dans les tranchées, lorsque son ami Edouard Péricourt lui sauva la vie et fut atrocement défiguré.
Devenu une « gueule cassée », Edouard, dessinateur de génie, l'incite à monter une escroquerie en dessinant des monuments au morts qu'ils vendront, sans jamais les construire...


Je comprends les louanges qui entourent ce film... En effet, c'est un très beau film (j'ai envie de lire le roman dont il est issu, du coup), très beau esthétiquement parlant, et servi par un casting parfait.
On va suivre ces deux compagnons d'arme, dont l'un sauve la vie de l'autre lors d'une attaque absurde et se retrouve défiguré ce faisant. Des « gueules cassées », il y en a eu à l'époque. Des gens qui sont revenus de la guerre certes vivants, mais changés. Vivre quelque chose d'aussi horrible laisse forcément des marques, qu'elles se voient ou non.
Dans le cas d'Edouard, fils d'une famille aisée, en froid avec son père, les marques en question sont d'abord physiques. Il se refuse à rentrer chez lui et à laisser sa famille voir son visage mutilé. Alors il demande à Albert de le faire mourir, du moins à l'état civil, ce qui est plutôt facile à l'époque. Parce qu'il lui doit la vie et par amitié, Albert met le doigt dans un mensonge qui le dépasse un peu, puisqu'après avoir annoncé au père et à la sœur d'Edouard sa mort, ceux-ci souhaitent le rencontrer pour qu'il leur parle d'Edouard, de comment il était durant la guerre, etc... Albert (Albert Dupontel, touchant au possible dans ce rôle) doit donc leur mentir les yeux dans les yeux, et cacher à Edouard le fait qu'il voit sa famille.


Edouard quant à lui, a toujours eu un don pour le dessin. Ainsi, pour cacher son visage mutilé, il se fabrique des masques (qui sont absolument magnifiques et expriment l'humeur qui est la sienne). Nahuel Pérez Biscayart a la lourde tâche de devoir jouer sans pouvoir se servir de son visage ni de sa voix, mais il arrive parfaitement à nous montrer ce que ressent son personnage, je trouve.
Qui plus est, seule la morphine permet à Edouard de supporter la douleur et cette denrée se fait rare car nombre d'anciens soldats en ont besoin, alors Albert lui en procure, par n'importe quel moyen, si bas soit-il. Ces deux-là sont étroitement liés par ce qu'ils ont vécu et vivent encore d'ailleurs. La guerre est finie en soi, mais on voit bien que ce n'est pas si simple. Ce n'est pas parce qu'on en est revenu que la vie reprend comme avant. Sans même parler des séquelles, on le voit aussi avec Albert qui avant la guerre était comptable par exemple, et n'arrive pas à retrouver du travail dans sa branche, alors il fait des petits boulots peu gratifiants pour ramener de l'argent... jusqu'à ce que le père d'Edouard, Marcel Péricourt (l'excellent Niels Arestrup), un homme puissant, lui donne du travail dans sa banque.
C'est cette même banque qu'Albert va escroquer en détournant petit à petit l'argent des clients selon une méthode qui a fait ses preuves. L'arnaque imaginée par Edouard va les enrichir en combinant le talent de ce dernier et l'habileté d'Albert. C'est d'ailleurs bien ce qui lui vaut d'être interrogé par la gendarmerie, comme on le voit au début du film et lors de quelques scènes... On sait donc d'avance qu'ils se sont fait pincer (au moins Albert déjà, car lui seul semble être interrogé).


Il faut aussi saluer la très bonne performance de Laurent Laffite, en ancien lieutenant d'Albert et Edouard durant la guerre et aujourd'hui lié à la famille Péricourt. Un homme absolument détestable, que l'acteur campe à merveille.
Au revoir là haut est impressionnant par son casting, je l'ai dit, et aussi par sa mise en scène (de beaux plans et de jolies trouvailles parsèment le film). Par sa beauté aussi (je l'ai dit également, mais les masques, qui sont quand même nombreux, sont vraiment chouettes). Et par son sujet, tout simplement. Il parle d'hommes brisés, à différents niveaux, d'hommes qui ont connu l'indicible et n'arrivent même pas à retrouver une place dans le monde alors qu'ils ont tant sacrifié. Deux hommes liés par le combat, par l'amitié. C'est très touchant, impertinent aussi, audacieux... C'est un très bon film, à mon sens.